Le nouveau plan d’immigration canadien

Des millions de personnes du monde entier ont choisi de s’établir au Canada et continuent de le faire aujourd’hui. En 2021, plus de 8,3 millions de personnes, soit près du quart (23,0 %) de la population, étaient ou avaient déjà été des immigrants reçus ou des résidents permanents au Canada. Il s’agit de la plus forte proportion depuis 1921, ainsi que de la proportion la plus élevée parmi les pays du G7.

Mais pourquoi le Canada investit tellement sur l’immigration? Que proposent concrètement les nouvelles mesures mises en place par l’exécutif Trudeau et qui peut venir s’installer librement au Canada?

Alors que les démocraties européennes se renferment sur elles-mêmes, de l’autre côté de l’Atlantique, le Canada adopte une politique diamétralement opposée. L’exécutif libéral mené par Justin Trudeau a affirmé vouloir mettre l’immigration au centre de sa politique. 

Le Canada, qui nous le rappelons est le deuxième plus grand pays du monde, ne compte qu’une population de moins de 40 millions d’habitants. En effet ce pays fait face depuis quelque temps à une sérieuse pénurie de main d’œuvre qui paralyse le développement du pays. Selon le gouvernement, étant donné que la population du Canada continue de vieillir et que la fécondité est inférieure au niveau de renouvellement de la population, l’immigration est, à l’heure actuelle, le principal moteur de la croissance démographique. Si ces tendances se poursuivent, selon les projections démographiques récentes de Statistique Canada, les immigrants pourraient représenter de 29% à 34% de la population du Canada d’ici 2041.

Mais malgré la pénurie de main-d’œuvre grandissante dans les pays les plus riches de la planète, malgré le vieillissement de la population qui met en péril les programmes sociaux à long terme, rares sont les États qui se tournent vers l’immigration pour faire face à ces défis, surtout pour des raisons politiques. Si l’Europe semble vouloir préférer une approche sécuritaire, le Canada voit l’immigration comme une ressource précieuse synonyme de prospérité. Un exemple de l’écart entre ces pays pourrait être résumé par un simple fait: lorsque aux sommets internationaux sur l’immigration, le Canada envoie son ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, les pays européens envoient eux leur ministres de l’intérieur.  

Mais cette approche n’est pas seulement une volonté qui se manifeste dans les palais du pouvoir, les canadiens sont favorables à cette politique et reconnaissent la diversité ethnoculturelle et religieuse comme un atout. Selon l’Enquête sociale générale de 2020, 92,0 % de la population âgée de 15 ans et plus étaient d’accord avec le fait que la diversité ethnique ou culturelle constitue une valeur canadienne.

Cette approche si favorable est strictement liée à la longue histoire d’immigration que ce pays a connu et continue de connaître.

Le Canada a consacré dès la fin du XIX siècle une grande importance à l’immigration. Le premier pas vers une réglementation de l’immigration remonte à 1869, année de la première lois et des règlements régissant l’admission des immigrants au Canada. La législation sur l’immigration a ensuite évolué et changé au fil du temps, façonnée par l’évolution du climat social, politique et économique, ainsi que par les croyances dominantes sur l’ethnie, la désirabilité et l’intégration. L’approche de la “Porte ouverte” qui avait marqué la fin du XIXe siècle a progressivement cédé la place à des mesures plus restrictives et discriminatoires. La discrimination est restée prèsente dans la politique d’immigration canadienne jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, lorsque, sous l’impulsion du premier ministre Pierre Trudeau, les politiques d’immigration ont été considérablement remaniées. Après d’importantes consultations, le gouvernement libéral du premier ministre Pierre Trudeau – père de Justin – a adopté la nouvelle Loi sur l’immigration de 1976. La loi, qui est entrée en vigueur en 1978, a constitué une rupture radicale avec le passé. Elle a établit pour la première fois les principaux objectifs de la politique d’immigration du Canada: qui comprenaient la promotion des objectifs démographiques, économiques, sociaux et culturels du Canada, ainsi que les priorités en matière de regroupement familial, de diversité et de non-discrimination. La Loi a entre autres autorisé les organismes fédéraux à coopérer avec le secteur bénévole pour aider les nouveaux arrivants à mieux s’adapter à la société canadienne. Cette loi a également défini les réfugiés comme un groupe distinct d’immigrants dans la législation canadienne, obligeant le gouvernement à respecter ses obligations envers les réfugiés en vertu des accords internationaux.

Une immigration sélectionnée

Même si l’objectif des 500 000 nouveaux migrants par an est exigeant, le Canada n’a pas pour cela l’intention d’adoucir ses critères de sélection. Aujourd’hui les compétences et l’éducation sont devenues les principaux critères pour déterminer l’entrée au Canada. 

Pour être admis au Canada il faut appartenir à une des quatres catégories d’immigrants: indépendants (personnes qui présentent leur propre demande); humanitaire (réfugiés et autres personnes persécutées ou déplacées) ; famille (avoir de la famille immédiate vivant déjà au Canada ou être parrainés par un membre de la famille au Canada); et économique (personnes possédant des compétences professionnelles hautement souhaitables ou celles qui sont prêtes à ouvrir une entreprise ou à investir de manière significative dans l’économie canadienne). Le souhait du gouvernement est, sans surprise, celui de privilégier cette dernière classe de migrants. Des migrants sélectionnés pour leur capacité à contribuer à l’économie canadienne grâce à leur capacité à répondre aux besoins en matière de main-d’œuvre, à posséder et gérer ou à mettre sur pied une entreprise, à investir une somme importante ou à créer leur propre emploi. De plus, pour demander la résidence permanente, un travailleur qualifié doit créer un profil, choisir un programme et répondre aux critères d’admissibilité : compétences linguistiques, études, âge, expérience de travail, revenu, offre d’emploi, etc. Ses compétences lui donnent des points. Si le total des points est jugé suffisant, sa candidature est placée dans un bassin de candidats à l’immigration. Il pourrait recevoir une invitation à demander la résidence permanente, en fonction de sa note et de son classement dans le bassin.

Quelques critiques restent désormais. 

Le plan proposé par l’exécutif d’Ottawa suscite des craintes au sein de la classe politique québécoise, qui affirme que les changements réduiraient l’influence de la province dans le pays et rendraient plus difficile la protection du français. Les députés provinciaux québécois ont récemment adopté une motion déclarant le plan du Canada – accueillir 500 000 immigrants permanents par an d’ici 2025 – incompatible avec la protection du français au Québec. La motion stipule également « qu’il appartient au Québec seul de faire ses propres choix » en matière d’immigration. 

De l’autre côté, les ONG et associations de migrants soutiennent que le gouvernement est en train de faire trop peu et qu’il ne se montre bénévole qu’avec des immigrés sélectionnés. Une des pratiques que ces groupes contestent le plus vigoureusement est la pratique consistant à permettre aux migrants d’entrer dans un pays avec un visa de voyage et de demander le statut de réfugié à la frontière de l’autre via l’Accord Canada-États-Unis, pratique illégale en Canada depuis 2004. 

Massenzio Marè

Image : Les néo-Canadiens brandissent leur nouveau drapeau national lors d’une cérémonie de la citoyenneté à Toronto. Carlos Osorio/Toronto Star/Getty Images

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